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Notaire et médiateur, une valse à deux temps. ParAgathe Goffin
Parution : mardi 28 mars 2023
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Pourquoi si peu de mutualisation entre le notaire et le médiateur dans le cadre desconflits successoraux ? Identifions les enjeux de chaque profession pour mieuxcomprendre ce qu’elles peuvent s’apporter mutuellement ; car traiter les problèmes à laracine permet de servir les intérêts de toutes les parties prenantes dans le cadre durèglement des successions.
Gérer un litige et résoudre un conflit : quelle différence ?
Le notaire est le premier interlocuteur des familles endeuillées. Même s’il fait tout son possiblepour trouver un arrangement entre les héritiers, il n’est pas spécialement formé à la gestion deconflit, et pourtant chaque mot du testament est interprété comme une reconnaissance ou unesanction. Certains notaires suivent une formation de médiateur (la formation de médiateur de 50heures pour les notaires de profession est dispensée par le Centre de Médiation et d’Arbitrage deParis et n’est pas celle de médiateur familial) mais, même pour ceux-là, l’exercice reste difficile,car il faut arriver à « changer de casquette » et à s’extraire de l’implication de l’élaboration d’unesolution purement juridique inhérente à leur profession : le coeur de leur métier est depermettre la transmission d’un patrimoine à des héritiers.
Lorsque des blocages surgissent, ils peuvent se retrouver démunis face à un conflit entre lafratrie, alors qu’ils sont aux premières loges de ce conflit naissant. Ils proposent alors dessolutions juridiques à leurs clients pour sortir de l’impasse et deviennent plus des conciliateurs quedes médiateurs. Ils vont alors donner leur avis sur les différents choix à faire. En revanche, lemédiateur familial n’a aucune autre fonction que celle d’accueillir les personnes. Le notaire nerésout pas le problème, il gère le litige : mais sortir de l’impasse concrète avec un notaire n’estpas identifier les besoins profonds avec un médiateur familial. La solution juridique, quelle que soitson équité sur le papier, ne réparera jamais un sentiment d’injustice ou une blessure narcissique.
L’argent est certes monétaire, mais il a aussi une valeur symbolique et affective bien plusimportante que sa seule valeur économique. Le savoir-faire du notaire, la solidité de saformation juridique est incontestable, mais son savoir-être face au conflit est une autre histoire.Le règlement d’une succession demeure, avec le divorce, le révélateur principal des conflitsfamiliaux : la disparition de l’être aimé, admiré, envié (parfois détesté) canalise les rancoeurs, lesfrustrations et déclenche les conflits latents. Le notaire se trouve alors souvent dépourvu.
Son regard technique devient insuffisant. Il devra utiliser d’autres éléments que la seule règlejuridique, ce qui nécessite des connaissances et des apprentissages d’un autre registre. Il ne s’agitpas ici de remettre en cause les qualités humaines du notaire, mais il semble essentiel, pour ceuxqui ne sont pas formés, et dans des situations aussi complexes, de faire appel à des médiateursfamiliaux diplômés d’État. Selon Delphine Chauveinc, médiatrice familiale, « les notaires ne sesont pas complètement emparés de l’outil qu’est la médiation. Cela me semble dommage car lamédiation aurait un intérêt pour leurs clients et pour eux également. Avoir l’aide d’un médiateurleur permettrait de se concentrer sur les aspects juridiques. Le médiateur est là pour permettreaux parties d’échanger, il travaille sur la relation et laisse les professionnels du droit trouver lessolutions juridiques. ».
La nécessaire cohésion entre ces acteurs apparaît évidente : d’une part, le médiateur parvient àrétablir une qualité relationnelle entre les parties et à trouver une solution rapide et pérenne et,d’autre part, le notaire, une fois la communication restaurée, peut établir un acte conforme à lavolonté des parties et au droit. La médiation s’intéresse au conflit avant que les parties trouventune solution au litige.
Notaire et médiateur : quelle complémentarité pour quelle efficacité ?
Si les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance n’hésitent pas à encourager les personnes àaller vers la médiation, il serait fort intéressant que les notaires adoptent ce réflexe en ce qui28/03/2023 09:36 Imprimer: Notaire et médiateur, une valse à deux temps. Par Agathe Goffi n https://www.village-notaires-patrimoine.com/spip.php?page=imprimer&id_article=1465 2/2
concerne la médiation successorale et deviennent prescripteurs eux aussi, ce qui est encorerarement le cas. Dans les deux cas, une rupture (séparation, divorce, placement, décès, qui apour conséquence un conflit à l’intérieur de la famille, entrave des relations apaisées, empêchantmême parfois l’application la loi.
Le notaire, comme les juges et les travailleurs sociaux, pourrait lui aussi prôner l’ empowerment(c’est à dire la capacité des individus à décider de leur sort, la reprise en main de leur vie et deleurs choix), en expliquant aux héritiers que la médiation est l’opportunité de trouver eux-mêmesles solutions à leur différend. Grâce à cet empowerment acquis en médiation, la personne accroîtses habiletés favorisant l’estime de soi, la confiance en soi, l’initiative et le contrôle. Certainsparlent de processus social de reconnaissance, de promotion et d’habilitation des personnesdans leur capacité à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser les ressourcesnécessaires de façon à se sentir en contrôle de leur propre vie. Proposer une médiation à sesclients, c’est donc pour le notaire leur offrir la possibilité de construire ensemble. La décision dejustice, elle, ne garantit pas une solution satisfaisante pour les deux parties, faisant souvent undéçu.
De plus, le notaire dispose d’arguments matériels qui ont aussi leur importance : la médiation seraun processus moins coûteux et plus rapide qu’une procédure judiciaire. Dans le cas d’uneindivision, elle peut éviter la désignation d’un administrateur provisoire : non seulement lamédiation sera moins coûteuse une fois encore, mais elle évitera qu’un tiers s’immisce dans lesaffaires familiales. Enfin, un autre argument que le notaire peut faire valoir est celui de larapidité : une médiation dure en moyenne trois mois (renouvelables bien sûr).
Quant à l’intérêt direct pour le notaire lui-même, là aussi, c’est le gain de temps : étant payé àl’acte (en fonction du montant de la succession et non du temps passé), le notaire a tout intérêt àun règlement plus rapide et pérenne des successions en étant prescripteur de la médiationfamiliale : cela allège sa charge de travail et permet à son étude de traiter un volume de dossiersplus important